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Chouchen

Jamais plus le chouchen !

Si mon pote Gaby m’assure qu’une piquette te crame un œil à chaque verre, le chouchen du Gwenaël te détruit les neurones à chaque lampée. Le hic, c’est que du bon chouchen, c’est aussi rare qu’un oranger sur le sol morbihannais. Surtout que Gwenaël, en bon parisien qui s’invente des racines, a voulu faire du traditionnel, miel dilué dans le tonneau mais aussi rayons de cire et quelques abeilles noires d’Ouessant bien agressives. Leur venin te pète la tête. Bon, certains diront que la quantité influe légèrement et que chouchen ou piquette, un litre ou deux, ça fait forcément des dégâts…

J’étais dans un état d’ébriété avancé avec de curieuses distorsions de l’espace et des flashes de lumière à chaque bruit, un peu LSD pour ceux qui ont connu, mais tout ça c’est fini, je ne consomme plus que du naturel et du bio.

Je ne sais plus comment je me suis retrouvé sur la plage en pleine nuit, je me rappelle que je voulais suivre une étoile en mode Roi Mage et que j’ai sauté dans l’annexe. Pas souvenir d’avoir ramé, juste porté par le jusant, ça filait vite entre les îles, mais j’ai eu peur à un moment de sortir du Golfe, probablement la descente, ces drogues dures, c’est terrible. À la hauteur de la masse sombre d’une île, j’ai pagayé comme un fou et je me suis retrouvé contre une cale. La nuit était subitement noire, de gros nuages roulaient, j’allais me prendre une belle drache. J’ai alors réalisé que j’avais accosté sur Gavrinis. L’orage a crevé, j’ai couru m’abriter jusqu’au cairn et je suis entré dans le couloir tout gravé. À la lumière de mon portable, les stries se croisaient et s’entrecroisaient. Pfff, j’en avais vraiment une bonne ! Je me suis enfoncé jusqu’à la chambre et je me suis assis, grosse fatigue.

Une voix très grave m’a alors dérangé dans mon départ de sommeil. J’ai rouvert les yeux, elle venait d’une silhouette blanchâtre, genre spectre, bravo le chouchen ! La chose m’a raconté qu’elle était l’Ankou et qu’elle venait me chercher.

Moi, ces biniouseries, korrigans et autres légendes, ça me sort par les yeux. Pas cool Gwenaël d’avoir rajouté des feuilles de contes bretons dans le tonneau ! Je me suis adressé au spectre, j’ai hésité pour le musical « Ankoulélé » mais, vu son sérieux, avec un de ces subtils jeux de mots dont le chouchen a le secret, j’ai simplifié et dit : « Espèce d’Ankou laid ! » J’ai hurlé de rire pendant que le fantôme s’arrêtait, interloqué. Bon, c’était vraiment sexiste, injurieux même vis-à-vis des spectres gays. Là, j’ai encore explosé à voir la mine sinistre du truc en face. Le spectre est devenu noir de colère, ce qui l’a fait disparaître, mais sa voix est restée présente, couvrant les claquements des éclairs :

« Je te maudis,

Je ne prends pas ta vie,

Tu revivras éternellement cette nuit. »

Je n’ai pas eu le temps d’apprécier les rimes, je me suis endormi direct…

Jamais plus le chouchen !

Si mon pote Gaby m’assure qu’une piquette…

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