Noires et blanches
Lotus et moi, nous sommes inséparables.
Unies, donc plus fortes. C’est bien utile avec tout ce racisme.
Personne ne nous supporte. Pas la même couleur, pas les mêmes mœurs. Pas à notre place d’émigrés. Pas respectueux des traditions locales. Trop envahissants, trop agressifs, trop dangereux. Malsains. Infréquentables.
S’ils pouvaient, ils nous reconduiraient avec plaisir jusqu’aux frontières. Ou au-delà. Ou organiseraient sans état d’âme notre éradication totale.
Aussi, nous restons entre nous. Ceux du voyage. Nous sommes fiers de nos origines, de nos coutumes et nos gars sont les plus beaux ! Il faut dire que le noir et blanc, ça a de l’allure. Pas la livrée des larbins soumis, mais le camouflage des fiers combattants de la jungle de l’Asie du Sud-est. Alors quand ces deux beaux gosses nous ont approchées hier soir, nous n’avons pas pu résister…
Maintenant que la nuit d’amour est derrière nous, que l’avenir est en jeu, celui des nôtres, nous devons agir.
Nos victimes, c’est en pleine journée, sous la lumière crue du soleil, que nous les traquons, alors que les locaux préfèrent attendre la nuit et faire la sieste le reste du temps. Ça les agace que nous, les asiatiques, nous travaillons nuit et jour. Concurrence déloyale paraît-il. Dumping social. Pour l’instant profil bas, nous nous effaçons, mais quand nous serons plus nombreux…
Lotus en a repéré un. Le genre insouciant, bien portant, nourri aux céréales depuis l’enfance, un vrai yankee, gras comme on les aime. Béat au soleil, tongs, bermuda et marcel, une provocation. Pas l’air futé ni rapide.
Nous attaquons toutes les deux ensembles, mouvement en tenaille, il n’a aucune chance d’en réchapper, le pauvre, on va le massacrer !
PAF ! Pas si endormi que ça l’animal, le vif mouvement de la main les a surprises à l’apéritif.
“Eh ! Regarde j’en ai eu deux d’un coup de ces saletés de moustiques tigres !”.